- INTÉGRATION NERVEUSE ET NEUROHUMORALE
- INTÉGRATION NERVEUSE ET NEUROHUMORALEParler d’intégration nerveuse, c’est mettre l’accent sur les opérations accomplies par le système nerveux en son propre sein ou dirigées vers le monde extérieur plutôt que sur la description de son organisation structurale ou l’analyse, au niveau élémentaire, de ses mécanismes, en termes biochimiques ou biophysiques.Pour appréhender les modalités de l’intégration, il est nécessaire de prendre en compte la totalité des processus adaptatifs que le système nerveux parvient à mettre en œuvre en fonction de ses propriétés et relations fonctionnelles. Une telle démarche se situe par conséquent au centre même de la compréhension de ce qu’il y a de plus complexe parmi les systèmes d’un organisme vivant. Tout effort pour saisir les processus intégratifs dans leur plénitude et leur signification doit se reconnaître destiné à l’obsolescence dans un très proche avenir, s’il ne l’est déjà au moment où il est entrepris. La seule tentative qui ne paraisse pas d’emblée vouée à l’échec est d’essayer de dégager quelques-uns des traits de la complexification progressive des mécanismes de l’intégration à travers la phylogenèse, des niveaux les plus modestes aux plus élevés.1. L’origine du système nerveux et l’intégration au niveau cellulaireL’étude des Métazoaires les plus élémentaires nous amène assez naturellement à concevoir que l’étape de la cellule nerveuse différenciée a dû être précédée par celle d’éléments indiférenciés assurant certaines des fonctions des neurones de façon plus simple. La sélection des stimulus adéquats, la propriété de réagir de quelque manière à ceux-ci (l’excitabilité), la propagation d’une information d’un point à un autre, une réponse adaptée sont des propriétés que l’on peut découvrir dans un organisme dépourvu de système nerveux. Dans cette optique, l’observation des effecteurs indépendants , tels les cils de certains épithéliums, les myocytes perforés des éponges, les nématocystes des Cœlentérés, les muscles lisses de l’iris de divers Vertébrés inférieurs introduisent l’hypothèse d’une différenciation des éléments effecteurs plus précoce que celle des neurones proprement dits. Différenciation plus précoce aussi que celle des cellules réceptrices qui ont vraisemblablement pris naissance dans un second temps à partir de certains éléments épithéliaux puis ont poussé des prolongements vers les éléments effecteurs, en particulier les éléments contractiles. En revanche, l’origine des cellules nerveuses n’exerçant ni rôle récepteur ni rôle effecteur, autrement dit les interneurones , éléments essentiels des mécanismes intégrateurs, reste mystérieuse, cela d’autant plus que le monde animal actuel nous fait passer sans transition des spongiaires dépourvus de système nerveux aux Cœlentérés. Or ceux-ci possèdent déjà un riche équipement sensoriel et un système nerveux relativement complexe où l’on peut facilement saisir l’émergence des premiers signes d’intégration.Dès qu’un groupe de Métazoaires, en l’occurrence celui des Cœlentérés, nous permet de reconnaître chez une cellule les traits d’un véritable neurone , celle-ci révèle aussitôt d’importantes capacités individuelles d’intégration. Elle est, en effet, susceptible à elle seule de recevoir des messages provenant d’une ou de plusieurs sources et de les intégrer en fonction de leurs dispositions spatiales ou temporelles; puis elle pourra engendrer une activité efférente liée aux informations reçues par voie nerveuse mais aussi humorale (métabolique ou glandulaire). Ces capacités d’intégration sont supportées par un ensemble de propriétés distinctes réfléchies dans des phénomènes de nature bioélectrique (propriétés électrogéniques) et chimiques que l’on pourrait assimiler à autant de «degrés de liberté». C’est ainsi que les neurones pourront fournir:– des potentiels générateurs ou récepteurs, dépolarisants ou hyperpolarisants, lesquels sont la conversion en un phénomène bioélectrique d’une modification énergétique de nature donnée provenant du milieu extérieur;– des potentiels synaptiques eux aussi dépolarisants ou hyperpolarisants qui résultent directement de l’arrivée de messages apportés par des neurones environnants;– des potentiels dits pace-maker , fluctuations plus ou moins rythmiques, apparemment autogènes du neurone et vraisemblablement corrélées à des changements métaboliques;– des potentiels propagés ou spikes , ondes de dépolarisation membranaire de voltage sensiblement constant, voyageant à une vitesse déterminée le long d’un prolongement spécialisé: l’axone ou fibre nerveuse;– des potentiels consécutifs ou postpotentiels variables en amplitude et en signe, succédant au potentiel d’action et parcourant la fibre nerveuse à la même vitesse que celui-ci.À ces cinq degrés de liberté bioélectrique, on doit ajouter ceux de nature biochimique: libération de molécules dites «neuromédiatrices» par les terminaisons axoniques, présence de sites récepteurs membranaires sur lesquels se fixent les molécules d’un neuromédiateur donné, transfert de signaux chimiques de la périphérie vers le corps cellulaire.Dans la mesure où ces diverses formes de réponses peuvent se produire dans des régions différentes d’un même neurone (dendrites, membrane somatique, axone), des fonctions de couplage ou de «transfert» sont à même de s’accomplir et le neurone peut ainsi à chaque instant intégrer de nombreux facteurs tels que les diverses conditions de son milieu, des signaux chimiques spécifiques ou non spécifiques, des champs électriques extérieurs, les activités antécédentes, etc.2. Les formes élémentaires d’intégration interneuronale: réseaux et ganglionsL’évolution du système nerveux chez les Invertébrés fournit d’innombrables modèles permettant une approche à la fois conceptuelle et expérimentale de la notion d’intégration au niveau d’ensembles neuronaux plus ou moins complexes.Systèmes nerveux réticulaires: l’exemple des CœlentérésLes Cœlentérés, qu’il s’agisse de formes libres comme les méduses ou fixées comme des hydres, les anémones de mer, les Coralliaires, renferment un système nerveux primitif. Celui-ci est constitué pour sa plus grande part par un enchevêtrement diffus de neurones formant une sorte de réseau , et ce n’est qu’en de rares points que l’on en trouve des concentrations suffisamment denses pour pouvoir leur donner le nom de ganglions. Ce système réticulaire est formé pour l’essentiel de neurones bipolaires et son rôle principal est de commander les contractions de certains muscles tels ceux de l’ombrelle ou ceux des parois du pharynx. En outre, une certaine différenciation de ce système permet d’y reconnaître des régions à conduction rapide et d’autres à conduction lente. Le premier type en est par exemple trouvé à la circonférence des ombrelles des méduses et assure les pulsations de nage ou chez les anémones de mer la rétraction des tentacules. Le second a été observé entre autres dans les colonies coralliaires et le neurophysiologiste anglais Horridge a pu identifier jusqu’à quatre patterns de rétraction de l’ensemble de la colonie consécutifs à la stimulation d’un seul individu et différant en fonction de l’espèce et des conditions de stimulation.Intégration ganglionnaire: réflexes de défense et de ponte chez l’aplysieL’évolution du système nerveux des Invertébrés est entre autre caractérisée par une concentration des amas ganglionnaires. Ceux-ci sont généralement beaucoup plus nombreux dans les groupes inférieurs et à l’intérieur du même groupe dans les espèces les plus primitives. Dans certains phylums comme celui des Mollusques, cette concentration aboutit à la régression de la chaîne ganglionnaire ventrale. Malgré la relative complexité des comportements que montrent les espèces où on la rencontre, elle n’entraîne cependant pas, comme on pourrait s’y attendre, une multiplication du nombre des neurones à l’intérieur des ganglions subsistants. Un Mollusque Gastéropode Opisthobranche tel l’aplysie contient au total de 15 000 à 20 000 cellules nerveuses contre approximativement 1013 chez un Mammifère perfectionné. Celles-ci sont rassemblées (outre quelques petits amas dispersés) en cinq paires de ganglions majeurs ne renfermant chacun que 1 000 à 2 000 neurones mais cependant capables individuellement de contrôler plusieurs comportements spécifiques, fournissant ainsi de remarquables exemples de leurs capacités intégratives. Nous décrirons deux comportements: la réalisation de certains réflexes de défense et le déclenchement de la ponte chez l’aplysie.Ce gros escargot marin peut mesurer une trentaine de centimètres et peser plus d’une livre. Il atteint sa forme adulte en deux mois à peine et ne vit pas plus d’une année. Il présente le schéma général d’organisation des Gastéropodes. La têre porte la bouche, deux petits yeux et quatre tentacules chémo-sensibles. La face ventrale de l’animal est formée du pied, sole musculeuse utilisée pour la locomotion et surmontée par la masse viscérale. Celle-ci est recouverte et protégée par le manteau dont la partie postérieure se creuse d’une cavité renfermant la branchie et s’ouvrant à l’extérieur par un repli tubulaire: le siphon. Ce dernier, la couverture de la cavité branchiale ou «valve du manteau» et la branchie elle-même, sont contractiles et leurs mouvements de rétraction et d’extension favorisent la circulation du sang dans la branchie et le renouvellement de l’eau autour de celle-ci. Sur les flancs de l’animal se déploient de larges replis mobiles: les parapodes, qui peuvent se rejoindre dorsalement sur la ligne médiane.Selon leur situation, les ganglions, disposés par paires, ont été dénommés: buccaux, cérébraux, pleuraux, pédieux et abdominaux. Les quatre premières paires entourent l’œsophage, le cinquième groupe est nettement plus postérieur et il est relié à l’amas principal par de longs connectifs (fig. 1).L’intérêt scientifique porté à cet animal tient à ce qu’il y a maintenant plus de quarante ans une neurophysiologiste française, madame Arvanitaki, montra que les ganglions de l’aplysie renfermaient des neurones géants atteignant presque un millimètre de diamètre, et disposés à la périphérie des ganglions, tandis que la partie centrale de ces derniers ou «neuropile» est occupée par des prolongements divers (dendrites, collatérales axoniques, articulations synaptiques), d’où des conditions sont particulièrement favorables aux études électrophysiologiques et neurobiologiques. Enfin, comme certains neuroanatomistes du siècle dernier (Leydig, Retzius, Mauthner, Apathy) l’avaient déjà observé, et comme les travaux contemporains d’Arvanitaki, de Chalazonitis, de Tauc, de Kandel l’ont confirmé, de nombreux neurones montrent une remarquable «invariance» quant à leur nombre, leur situation dans le ganglion et leur connectivité. Cette invariance a permis de dresser des cartes des ganglions de l’aplysie où ont été repérés un certain nombre de neurones, leurs connexions, les neuromédiateurs qu’ils libèrent, leur intervention dans un comportement nerveux donné. En outre, chacun d’eux est facilement retrouvé dans tous les individus de la même espèce. Tous ces facteurs favorables expliquent que nous puissions analyser dans le détail les «montages neuronaux» assurant les réflexes de défense et de ponte que nous allons maintenant décrire.Réflexe de défense: rétraction des organes du manteauLorsqu’une stimulation mécanique est portée aux téguments du siphon, par exemple, il s’ensuit une contraction de celui-ci ainsi que de la branchie et de la valve du manteau. L’organisation de ce réflexe de défense a été parfaitement analysée et l’on connaît avec précision aussi bien le nombre des neurones sensitifs et moteurs qui l’assurent que leurs connexions et rôles respectifs, comme le montrent la figure 2 et sa légende.Nous indiquerons, en outre, que la plupart des neurones impliqués sont autoactifs, ce qui leur permet de modifier très facilement leur fréquence de fonctionnement en réponse à de faibles variations de l’intensité des excitations périphériques.Comportement de ponteLa ponte de l’aplysie nous met en présence d’un comportement élémentaire qui introduit un type d’intégration différent et dont les Invertébrés comme les Vertébrés nous offrent de nombreux exemples où s’associent aux activités neuronales des phénomènes de neuro-sécrétion.Les aplysies pondent un très grand nombre d’œufs, de l’ordre de 500 millions, en une vingtaine de fois pendant les cinq mois de leur vie adulte. Les œufs produits en longues traînées de petits amas sont rendus adhérents les uns aux autres grâce au mucus sécrété par les tentacules buccaux de l’animal.La production des œufs est déclenchée par deux masses de 200 à 400 cellules neuro-endocrines adjacentes au ganglion abdominal (fig. 3). Chacune de ces cellules, dite neurone à corbeille, envoie un prolongement dans la capsule fibro-conjonctive entourant le ganglion et un autre qui vient s’enrouler autour du connectif parvenant à ce dernier. Le fonctionnement de cet amas neuro-endocrinien ne peut être déclenché que par une forte stimulation du connectif; dans les conditions normales, elle provient des ganglions céphaliques. Lorsque le seuil est atteint, les cellules neuro-sécrétrices normalement «silencieuses» et ne recevant pas d’afférences des ganglions environnants se mettent toutes à émettre des potentiels d’action avec un synchronisme remarquable et leurs terminaisons libèrent alors une neuro-hormone qui passera dans la circulation générale de l’animal, entraînant la contraction des fibres musculaires de l’ovotestis et l’expulsion des œufs. En outre, cette hormone agira sur d’autres neurones et produira des activités corrélées à la ponte telle l’accélération de la fréquence des battements cardiaques.3. CéphalisationUn élément capital de l’intégration nerveuse est lié au processus de céphalisation, c’est-à-dire à la prééminence progressive de certains ganglions situés dans la partie céphalique de l’animal ainsi qu’à une concentration des récepteurs sensoriels dans la même région. Ce processus apparaît, sinon causé, tout au moins corrélé avec l’émergence d’animaux dont le corps a crû suivant une direction privilégiée et qui possèdent, non plus un axe, mais un plan de symétrie. Bien sûr, le processus de céphalisation atteint son niveau le plus élevé chez les Vertébrés et il culmine chez les Primates, mais il est déjà évident chez les Invertébrés.Chez les InvertébrésLe processus de céphalisation chez les Invertébrés ne s’est pas développé de façon linéaire, des groupes les plus simples aux plus complexes, mais apparaît, en fait, de façon répétitive à l’intérieur des divers phylums, semblant lié davantage à la forme générale du corps, à la répartition et à la diversité des organes sensoriels, au mode de vie et à la variété des comportements plutôt qu’à la place du groupe dans l’échelle phylogénétique. Chez les Mollusques, par exemple, il existe un contraste frappant entre le très faible degré de céphalisation des Lamellibranches et son extrême développement chez les Céphalopodes.Il résulte de ce que nous venons de dire que, lorsqu’un groupe d’Invertébrés, tels les Insectes, possède des yeux perfectionnés et performants, l’amas des ganglions cérébroïdes qui reçoit les informations visuelles connaît alors un remarquable développement de ses propriétés intégratrices. Il ne fait pas cependant exception à la règle générale déjà mentionnée et ne comporte qu’un petit nombre de neurones dont certains peuvent être géants.Un bon exemple nous est fourni par l’organisation neuronale du comportement de saut à déclenchement visuel chez la sauterelle (Bentley et Konishi, 1978). Le système d’intégration neuronale assure une réponse motrice optimale lorsque apparaît, n’importe où dans le champ visuel de l’animal, un objet nouveau et mobile. À partir des récepteurs rétiniens de l’œil composé, les messages déclenchés par la stimulation visuelle arrivent dans le lobe optique, structure neuronale volumineuse et complexe reliée à la fois à l’œil et aux ganglions cérébroïdes. Il s’opère dans ce centre un premier traitement et une première intégration des messages qui y parviennent, incluant à la fois des synapses bloquant très rapidement leur fonctionnement à un stimulus durable, des dispositifs variés d’inhibition (latérale, anticipatrice), des possibilités de sommation temporo-spatiale, etc. Finalement, la configuration appropriée des messages ainsi traités parvient à un unique neurone géant qui envoie son axone au cerveau de l’animal. Au sein de celui-ci, il existe à travers une synapse à transmission électrique (donc sans production de neuromédiateur) un autre neurone bien identifié. Ce dernier adresse lui-même son axone au ganglion du segment thoracique qui porte les pattes sauteuses et à ce niveau excitera et inhibera un certain nombre de neurones qui engendreront le programme du saut (fig. 4).On relèvera aussi que les informations visuelles peuvent à elles seules ne pas suffire pour déclencher le saut et qu’il est alors nécessaire que d’autres informations sensorielles (auditives, vibratoires) viennent aussi exercer leur influence sur le neurone cérébral innervant le ganglion thoracique, accroissant alors fortement la probabilité d’exécution du comportement moteur.Cependant, ces possibilités remarquables d’intégration, la précision et la complexité des activités auxquelles elles président, révèlent à une observation plus attentive leurs limites et leur rigidité. Nous en citerons un exemple emprunté au comportement visuo-moteur d’une espèce d’araignée prédatrice sauteuse (Metaphidippus harfordi , groupe des Salticidés). L’araignée, dans son approche et sa saisie des petits insectes dont elle fait sa proie, montre des traits de comportement moteur assez voisins de ceux d’un chat voulant attraper un oiseau. Il s’agit là d’une activité visuellement dirigée à partir d’un système sensoriel complexe et remarquablement performant.Cette espèce possède six yeux simples. De ceux-ci, une paire latérale et une paire enréro-latérale sont immobiles, mais à elles deux couvrant un champ visuel voisin de 360 degrés, incluant une portion binoculaire d’environ 25 degrés vers l’avant. Il s’y ajoute une paire d’yeux antéro-médians ou principaux dont le champ est beaucoup plus restreint (50 horizontalement, 200 verticalement), mais très mobiles, ce qui leur permet de couvrir à peu près 35 degrés (fig. 5). Chacun de ces yeux possède sensiblement 10 000 photorécepteurs primaires.Les yeux latéraux au faible pouvoir séparateur (de 12 à 30 d’arc) ne sont que des détecteurs de mouvement. Dès qu’un objet se déplace dans l’environnement de l’araignée: congénère, insecte, homme, voire automobile, l’animal tourne la tête vers lui puis exécute un mouvement de rotation rapide dont l’angle est égal à celui existant entre le stimulus et l’axe du corps. Les yeux principaux entrent alors en action et ont pour rôle de suivre les objets déjà repérés et d’en analyser et d’en reconnaître la forme. Leur rétine est de structure plus complexe et semble même posséder une vision colorée au moins dichromatique. En outre, ses récepteurs sont plus rapprochés au centre qu’à la périphérie, constituant une véritable fovéa avec, en ce point, un pouvoir séparateur remarquable de l’ordre de 10 d’arc (1 chez l’homme), contre 40 à la périphérie. Des dispositifs expérimentaux simples ont permis de mettre en évidence la façon dont l’animal utilise ce système visuel complexe en présence d’un objet mobile ou fixe. Lorsque, à la suite du réflexe de placement provoqué par la mise en jeu des yeux latéraux, l’objet mobile est entré dans le champ des yeux principaux, ceux-ci exécutent une saccade destinée à amener son image sur leur fovéa, puis l’animal effectue une rotation rapide d’angle convenable de façon à se trouver en face de la proie éventuelle et saute alors sur celle-ci.Un autre mode d’exploration visuelle s’ajoutera au précédent si le stimulus est, depuis un certain temps, immobile dans le champ des yeux principaux. Ceux-ci balaieront alors rythmiquement l’objet allant d’un de ses bords à l’autre avec une période de une à deux secondes et répétant cette exploration par bouffées dont la récurrence est d’environ dix secondes.Ces activités motrices oculaires sont remarquablement complexes (un exemple supplémentaire de l’économie en nombre des neurones chez les Invertébrés est fourni par l’innervation des six muscles moteurs des yeux principaux; chacun d’eux, en effet, ne reçoit qu’un axone contre environ mille chez les Mammifères); elles ont deux buts principaux: reconnaître si l’objet mobile est une proie possible ou une menace, et identifier une partenaire sexuel. C’est d’ailleurs dans ce dernier cas qu’apparaîtront clairement les limitations que des systèmes d’intégration très perfectionnés, mais ne comportant qu’un petit nombre de neurones, imposent aux comportements. L’expérimentation montre en effet que l’araignée effectue exactement les mêmes mouvements de poursuite, que la proie soit un triangle, un carré ou une silhouette de mouche. De même, les attitudes complexes présentées par l’araignée mâle préalablement à la pariade sont déclenchées aussi bien par une vraie femelle que par un leurre en papier de forme vaguement semblable. Enfin, le mouvement de rotation de l’animal en direction de la proie détectée par les yeux latéraux peut se poursuivre indéfiniment si un servo-mécanisme approprié maintient constant l’angle que fait le leurre par rapport au centre des yeux latéraux ou à la fovéa des yeux principaux. Mais l’observation attentive de telles espèces montre de façon remarquable que celles-ci sont très bien équipées pour faire un petit nombre de choses, mais sont totalement incapables de modifier si peu que ce soit le répertoire de celles-ci.Chez les VertébrésL’acquisition d’une autonomie croissante des organismes animaux est donc enracinée dans l’évolution des sensibilités. Celles-ci à chaque niveau phylogénétique assurent des possibilités accrues d’interaction des organismes avec leur environnement. Dans les stades les plus primitifs dont nous avons fourni plus haut des exemples, ces possibilités sont entièrement «auto-référentielles». Les sensibilités sont alors pratiquement limitées aux stimuli venant directement au contact de la surface corporelle et l’organisme lui-même est le point de référence pour tous les événements.Par suite du développement des télérécepteurs (visuels et auditifs surtout, mais aussi olfactifs), l’animal acquiert de remarquables possibilités dans l’appréciation des relations entre les objets extérieurs. Opérant alors grâce à ces nouveaux dispositifs dans un espace élargi, il ne peut plus s’en tenir à des réponses immédiates, et ses comportements doivent pouvoir intégrer des informations sur des périodes de temps beaucoup plus longues ce qui implique sinon l’apparition du moins le développement de la mémoire , elle-même étroitement liée à l’enrichissement et au perfectionnement du système nerveux central.La différence la plus frappante entre système nerveux d’Invertébrés et de Vertébrés réside, comme nous l’avons déjà indiqué, dans l’extraordinaire accroissement du nombre des neurones chez ces derniers. D’autres traits spéciaux d’organisation, bien sûr, s’y ajoutent, mais dans une certaine mesure peut-être moins essentiels. Nous citerons, entre autres:– la disposition totalement dorsale de l’axe cérébro-spinal et de la chaîne ganglionnaire latéro-vertébrale du système végétatif sympathique;– la présence de centres supra-spinaux qui ne peuvent se rattacher aux amas ganglionnaires cérébraux des Invertébrés que d’une façon très formelle même si les reliquats d’une métamérisation demeurent perceptibles tant au niveau du développement embryologique que phylogénétique;– l’inversion de la disposition des corps neuronaux par rapport au neuropile qui leur devient externe;– la tendance des neurones en certains lieux privilégiés à se ranger en couches parallèles séparées par des lames de neuropiles;– la disparition des neurones et fibres nerveuses géantes, encore que les reliquats en subsistent, telles les cellules de Mauthner chez les poissons.Pour importants qu’ils soient, ces divers traits ne rendent cependant compte que de façon très incomplète de l’acquisition des performances comportementales nouvelles observées chez les Vertébrés et qui sont sans commune mesure avec celles des Invertébrés même les plus perfectionnés.Plus riche de signification nous apparaît en effet la réalisation d’une véritable orthogenèse qui, dans la succession phylogénétique, conduit au développement accru et à la prédominance de structures nerveuses de plus en plus céphaliques. Chacunes d’elles assurera non seulement l’intégration de toutes les informations en provenance des formations plus caudales mais, en outre, prendra le contrôle de leurs activités effectrices.Un tel principe de hiérarchisation progressive est une notion déjà relativement ancienne dans l’analyse du fonctionnement des systèmes nerveux perfectionnés: elle avait été énoncée dès la fin du siècle dernier par le neurologue Jackson; elle a été rajeunie et généralisée plus récemment, en particulier par Mac Lean (1972), avec sa conception du cerveau «trine» (triune brain ), notion qui a cependant le défaut de négliger les niveaux les plus bas dans la hiérarchisation des structures et des fonctions.Si nous considérons le système nerveux central des Vertébrés les plus rudimentaires tels les Poissons ou les Batraciens, nous voyons en effet que l’ensemble des informations sensorielles (en dehors de celles d’origine olfactive déjà télencéphalisées) parvient aux structures inférieures de l’axe cérébrospinal (moelle, bulbe, pont, mésencéphale). C’est au sein de celles-ci qu’elles se combinent et s’intègrent pour réfléchir le résultat de leur traitement en réponses motrices et comportementales déjà beaucoup plus complexes et plus souples que celles observées chez les Invertébrés, grâce en particulier à la pluralité des voies descendantes originaires de structures diverses, comprenant chacune un nombre élevé de neurones, et toutes interconnectées.L’étape phylogénétique suivante peut être assimilée à ce que Mac Lean a considéré comme le cerveau reptilien , c’est-à-dire un ensemble complexe de structures dérivées de la partie ventrale du proencéphale et répondant aux formations striaires et diencéphaliques ventrales des Mammifères. En se développant et en se diversifiant, elles se chargent à la fois de propriétés réceptrices et effectrices et vont constituer l’essentiel du télencéphale fonctionnel des Reptiles et des Oiseaux. Elles assureront dans ces groupes la réalisation de comportements complexes mais encore relativement stéréotypés et en accord avec des instructions correspondant à des apprentissages et souvenirs ancestraux.Plus haut dans l’échelle phylogénétique, surmontant le cerveau reptilien et recevant des informations extéro-et intéroceptives de plus en plus variées et complexes, l’ensemble des formations dites limbiques ou mieux rhinencéphaliques (hippocampe, amygdale, septum, ensemble des structures olfactives chez les Mammifères) auxquelles on peut associer l’hypothalamus , viendront exercer un contrôle à la fois souple et impératif sur l’ensemble des comportements rigides assurés par le cerveau «reptilien» et qui, pour une large part, émancipera l’animal de leur stéréotypie ancestrale en lui fournissant un clavier beaucoup plus riche d’adaptation à partir du souvenir des expériences récentes.Un pas encore et le plus haut niveau sera atteint avec l’apparition et le développement du revêtement néocortical.La comparaison et l’intégration de plus en plus poussées et complexes d’un flot d’informations extéro-et intéroceptives, issues tant des sensations immédiates que de celles inscrites dans l’immense réservoir des souvenirs de l’individu et de l’espèce, va fournir aux plus perfectionnés des Mammifères la possibilité de comportements de plus en plus compliqués et variés, de mieux en mieux adaptés aux modifications du milieu extérieur, puis dans une étape ultime à ne plus les subir passivement mais à agir sur elles pour tenter d’échapper à leurs contraintes.4. CérébralisationUne des caractéristiques fondamentales de l’évolution du monde animal réside dans l’acquisition, par les espèces, d’une indépendance croissante vis-à-vis des modifications de l’environnement.Cette faculté sans cesse accrue culmine chez les Vertébrés homéothermes et s’est développée suivant deux axes principaux. Le premier va dans le sens d’un perfectionnement croissant des mécanismes destinés à conserver des conditions internes aussi favorables que possible à la vie et au renouvellement éventuel des éléments de l’organisme. Le second conduit, à travers la complexification sans cesse accrue du système nerveux central, à une augmentation considérable des possibilités d’intégration des informations jouant un rôle dans la régulation des conditions précitées comme dans les comportements sensori-moteurs.L’intégration neurohumorale chez les Vertébrés supérieursLe concept d’homéostasie , mis pour la première fois en lumière par Claude Bernard, développé ensuite par W. B. Cannon et H. Selye, formalisé et modélisé à travers les théories de l’information, met l’accent sur la «recherche perpétuelle» par l’organisme vivant d’un point d’équilibre auquel il doit retourner chaque fois que les modifications du milieu extérieur tendent à l’en déplacer.Cette nécessité est d’autant plus vitale que, à de rares exceptions près (cavernes profondes, fosses océaniques), cet environnement ne connaît jamais de conditions stables, mais, au contraire, se modifie sans cesse à travers divers cycles de périodes variées, en fonction du jour, de la marée, des saisons, etc.Ce retour à l’équilibre des conditions internes indispensables à la vie cellulaire, chaque fois qu’elles commencent à s’en écarter, n’est possible que grâce au développement de système de rétroaction (le plus souvent négative mais parfois aussi positive) nécessitant, eux-mêmes, un perfectionnement croissant des dispositifs d’intégration. Ceux-ci vont être amenés à centraliser et à traiter des signaux de plus en plus nombreux et subtils issus d’une détection de plus en plus diversifiée et affinée de toute modification interne ou externe pouvant amener au déséquilibre.Une illustration remarquable de ces propos nous est offerte par les systèmes de contrôle présents dans le système hypothalamo-hypophysaire.Il est bien connu aujourd’hui que la totalité des sécrétions hormonales est, peu ou prou, sous la dépendance des éléments neuro-sécréteurs hypothalamiques [cf. HYPOTHALAMUS]. Ceux-ci cependant ne sauraient se comporter de façon «capricieuse» ou indépendante, mais sont eux-mêmes, sous le contrôle d’un nombre prodigieusement élevé de facteurs agissant à travers des «boucles de rétroaction» de longueurs variées, dont la cible terminale est constituée par les neurones peptidergiques hypothalamiques. L’ensemble de ceux-ci réalisent donc un dispositif intégrateur remarquablement perfectionné et complexe, dont les principes peuvent se saisir à travers le schéma de la figure 6 et que nous illustrerons par quelques exemples.On connaît ainsi une boucle de régulation ultra-courte par laquelle les neuro-peptides hypothalamiques présents à faible concentration dans le liquide céphalo-rachidien viendraient agir sur des chémo-récepteurs spécialisés inclus dans le revêtement épendymaire de la paroi du IIIe ventricule et qui, eux-mêmes, influenceraient en retour les neurones peptido-sécréteurs hypothalamiques.Des exemples de rétroaction un peu plus longue seront trouvés dans les contrôles de la libération des stimulines hypophysaires. Celles-ci, en passant dans le sang de vaisseaux circonférentiels irriguant l’hypothalamus, viennent influencer la sécrétion de neurones qui émettent les releasing factors (RF) peptidiques assurant la sécrétion des hormones précitées.Quant aux exemples de boucles à rétroaction longues ou très longues, ils sont nombreux et certains connus depuis déjà longtemps. Un bon exemple en est fourni par le rôle inhibiteur que les hormones œstrogènes (folliculine, progestérone), sécrétées par l’ovaire puis passées dans la circulation générale, exercent sur la sécrétion des gonado-stimulines hypophysaires.On indiquera enfin que ces diverses boucles de rétroaction, le plus souvent négatives, mais quelquefois aussi positives, sont susceptibles de s’influencer mutuellement. Le taux circulant des hormones thyroïdiennes, par exemple, intervient dans la libération de l’A.C.T.H. De même, les œstrogènes, en fonction de leur concentration sanguine, entraînent la diminution ou l’augmentation de la sécrétion de thyréo-stimuline, favorisent ou inhibent la sécrétion de prolactine. La progestérone inhibe la production de l’hormone de croissance, la folliculine la stimule...À ces exemples d’intégration neuro-humorale nous ajouterons que de nombreux faits expérimentaux montrent que les structures hypothalamiques reçoivent bien d’autres informations, en particulier d’origine sensorielle. Celles provenant des systèmes olfactif et visuel paraissent spécialement importantes, dans la mesure où elles vont largement influencer les sécrétions hormonales intervenant dans les comportements fondamentaux (sexuel et alimentaire entre autres) et dans les ajustements homéostasiques liés aux phénomènes cycliques naturels (alternance jour-nuit, variations saisonnières de l’éclairement et de la température, par exemple).Dans certains cas, ces informations peuvent directement parvenir aux structures hypothalamiques, surtout chez les Vertébrés inférieurs, mais, dans les espèces plus perfectionnées, et en particulier chez les Mammifères, elles le font par le détour des structures corticales et rhinencéphaliques (hippocampe, septum...), dont les propriétés intégratrices étendues sont directement liées aux perfectionnements du système nerveux central.Le contrôle de la motricitéUn bon exemple du degré de complexité auquel cette intégration peut atteindre nous est fourni par la réalisation des actes moteurs.À un premier niveau (spinal ou segmentaire) facilement observable chez un Mammifère porteur d’une section médullaire haute, les informations venant des récepteurs cutanés, intramusculaires, tendineux convergent sur les motoneurones médullaires et déclenchent des réponses réflexes de flexion ou d’extension. Bien que leur caractère d’automatisme, de «fatalité» nous frappe, ces réponses n’en reflètent pas moins les importantes capacités d’intégration médullaire dans le jeu complexe des excitations-inhibitions, au sein d’un groupe musculaire et de ses antagonistes, tel qu’on peut le voir dans le réflexe d’extension croisé, par exemple.À ce premier niveau spinal viendra se superposer un second système plus haut situé dans l’axe cérébro-spinal. Des informations diverses, d’origine multiple: somesthésiques, musculaires, articulaires, mais aussi visuelles, labyrinthiques, viscérales, auditives, n’organiseront plus seulement les activités d’un groupe musculaire ou d’un ou de deux membres, mais un ensemble de mouvements stéréotypés dont la finalité est de rétablir ou de maintenir la posture normale de l’animal immobile ou en mouvement face aux perturbations qui lui sont imposées. À ces activités motrices, auxquelles on donne encore le nom de «réflexes» de posture, mais où le caractère de «fatalité», de rigidité est beaucoup moins apparent, correspond un ensemble complexe de relations entre la moelle et les structures siégeant dans le tronc cérébral ou en dérivation sur lui: noyau rouge, structures réticulaires, bulbo-pontiques, noyaux vestibulaires et oculo-moteurs, tubercules quadrijumeaux, thalamus, cervelet, etc. Entre ces différentes formations, les systèmes sensoriels, leurs voies et leurs relais, les centres médullaires, va s’organiser une incessante circulation d’informations, d’ordres d’exécution, de corrections dans la commande et la réalisation progressive de ces ordres, dont l’intégration est suffisamment poussée pour aboutir au déroulement d’un «programme» assurant des actes aussi complexes que la locomotion avec ses différentes allures, la nage, le saut, les réactions aux déplacements du support, etc.Cependant, le stade le plus achevé et le plus remarquable d’intégration est, bien sûr, celui atteint dans la commande et l’exécution de l’acte moteur volontaire à partir d’un point de départ cortical. Bien que l’on connaisse depuis longtemps l’existence des représentations motrices sur l’aire frontale ascendante et leur intervention dans la commande de muscles ou de groupes musculaires limités, nous ne sommes arrivés que depuis peu de temps à nous faire une idée relativement précise sur la prodigieuse complexité des activités intégratrices qui interviennent dans l’acte moteur volontaire, grâce à l’important développement des travaux sur les primates. On est ainsi amené à concevoir que, chez l’homme, l’idée, l’intention d’exécuter un mouvement, se programment dans les aires corticales dites associatives (cortex préfrontal, pariétal postérieur), puis, à partir de celles-ci, ce «programme» est projeté vers l’aire motrice proprement dite (aire 4 de Brodman), soit directement par la voie des circuits intra-corticaux, soit par le détour des formations striaires (noyau lenticulaire, noyau caudé, cervelet). À partir de cette aire 4, empruntant le faisceau pyramidal, les ordres d’exécution parviendront avec une grande rapidité aux motoneurones spinaux, déclenchant le mouvement. Mais, à peine celui-ci s’est-il mis en route, que les modifications du tonus, de la longueur, de l’étirement des muscles, les déplacements articulaires, les tractions sur les tendons vont stimuler les récepteurs appropriés, et les informations qui en sont issues remonteront vers le cortex moteur par des voies directes rapides ou par le détour du cervelet. En effet, le rôle de ce dernier paraît être de contrôler à chaque instant la conformité entre le programme cortical initial et le mouvement en train de s’accomplir, afin éventuellement de le corriger, de l’interrompre, de l’amplifier, si quelque perturbation intercurrente survient, issue du monde extérieur ou du sujet lui-même, par exemple sous la forme de motivations émotionnelles ou affectives. L’influence de ces dernières va d’ailleurs nous permettre d’appréhender un autre aspect de l’intégration néocorticale. Le mouvement le plus volontaire, le plus raffiné, celui où le cortex de l’aire frontale ascendante est le plus impliqué, celui où la succession des boucles de contrôle révèle les intrications les plus complexes, ne se déroule jamais comme le ferait un programme d’ordinateur. Les structures rhinencéphaliques et hypothalamiques d’origine paléo-mammaliennes continuent à contrôler l’ensemble des réactions végétatives même chez les Mammifères les plus perfectionnés. Elles seront toujours informées des sensations intéroceptives qu’elles ont éveillées et transmettront ces données au néocortex perceptif. Or nous savons que celui-ci est en étroite relation avec le cortex associatif, lui-même à l’origine de la décision de l’acte volontaire. Ainsi ce dernier sera-t-il toujours, à quelque degré, coloré par les «affects» déclenchant les comportements ancestraux primitifs: la recherche de l’eau et de la nourriture, du partenaire sexuel, la peur et la colère, l’appétence ou le dégoût, l’agressivité et la défense du territoire. Et c’est peut-être parce que le manteau néo-cortical de l’homme est, mieux que celui de tout autre Mammifère, capable d’intégration, que le plus habile des artistes ne saurait éveiller en nous l’émotion esthétique si son œuvre ne porte pas en elle les obscurs et merveilleux reflets de ce monde enfoui de nos paléo-souvenirs et de nos paléo-conduites.
Encyclopédie Universelle. 2012.